Transcription témoignage "Mon parcours menant à la lutte contre les discriminations, puis à l'inclusion en formation" par Florine Grelier
Témoignage "Mon parcours menant à la lutte contre les discriminations, puis à l'inclusion en formation" par Florine Grelier
Salut ! Je suis Florine, ingénieure pédagogique et conceptrice en digital learning. Je travaille en freelance depuis un peu plus d’un an, et je vais te livrer ici un témoignage assez personnel sur ce qui a pu mener ma posture de pédagogue vers l’engagement et la responsabilité.
Pour ma part, pédagogie et engagement sont les fondements de ma vie professionnelle, et c’est le résultat non pas d’un, mais de plusieurs déclics.
Le premier, qui a été fondateur, c’est la sociologie. Je l’ai découverte au lycée, et approfondie pendant mes études supérieures. Elle m’a permis de prendre conscience des inégalités et des rapports de pouvoir qui structurent notre société (comme le racisme, le sexisme, les LGBT phobies…).
Je me suis spécialisée en Master où j’ai étudié la sociologie du racisme, du genre et des discriminations. Je me suis alors engagée personnellement (dans des collectifs féministes et de défense des personnes migrantes) et professionnellement (en effectuant mon stage de fin d’étude dans une association d’accompagnement et de défense des femmes migrantes). Dans tout ça, la pédagogie était encore un pan assez annexe de ma vie, puisqu’en parallèle de mes études, je donnais des cours particuliers et faisais du soutien scolaire.
Le deuxième déclic est arrivé juste après mes études quand j’ai intégré une fédération d’éducation populaire pour une mission de service civique « Promotion de l’égalité et lutte contre les discriminations ». Là, ça a été la révélation puisque j’ai découvert qu’on pouvait aborder de manière simple et pédagogique, ce que j’avais traité de manière complexe et très théorique pendant mes études. Sensibilisations, outils pédagogiques, partages d’expériences et l’éducation populaire en général ont été un vrai coup de cœur !
J’ai d’ailleurs poursuivi mon parcours professionnel dans cette voie puisque j’ai exercé principalement dans des associations (fédérations d’éducation populaire, réseaux jeunesse, association de prévention du sexisme et des violences de genre…). Dans ces associations j’ai conçu et animé de nombreux programmes de sensibilisation et de formation à destination des enfants et des jeunes, mais aussi des professionnel·les (de l’éducation, de l’animation, du social et de la santé).
Après environ dix ans d’exercice dans le secteur associatif, une maladie chronique accompagnée de symptômes invalidants, m’a obligée à revoir ma feuille de route, tant personnelle que professionnelle.
Après un bilan de compétences, j’ai décidé de compléter ma mallette de pédagogue avec une certification en conception et production de ressources e-learning. J’ai adoré faire cette formation, mais tout cela manquait un peu d’impact et d’engagement pour moi. J’ai donc décidé pour ma certification, de partir d’une formation que j’avais totalement conçue un an auparavant pour des professionnel·les jeunesse, et de concevoir à partir de celle-ci un e-learning sur le repérage des cyberviolences chez les jeunes. Et là j’ai compris que je ne pourrais pas exercer ma nouvelle activité sans y intégrer les questions d’inclusion et de lutte contre les discriminations, sinon je ne serai pas alignée avec mes valeurs ; et non seulement mon travail ne me satisfera pas moi, mais en plus je risque d’être moins impliquée et donc moins efficace aussi dans ce que je produis pour mes client·es.
Être en accord avec mes valeurs, cela peut passer par les thématiques de la formation sur laquelle je travaille, mais pas seulement ! Je suis formée et je réfléchis toujours en termes de pédagogie de l’égalité et je l’explique à mes client·es : ça passe par la représentativité des personnages, des formes d’écriture inclusive, la répartition de la parole lors des séances en présentiel ou en classes virtuelles, etc. Mais ça passe aussi par l’accessibilité des formations. Et on arrive ici à mon troisième déclic !
Pendant ma formation en conception e-learning, l’accessibilité n’a pas du tout été traitée. De moi-même, j’ai mis des sous-titres à ma voix off ainsi qu’aux vidéos qui étaient intégrées à mon module. Mais je ne me suis pas posée davantage de questions. L’accessibilité numérique est un sujet qui était très éloigné de moi jusqu’ici et pourtant… Pourtant, d’abord, étant engagée dans la lutte contre les discriminations, nous avons ici un enjeu majeur d’accès de toutes et tous à un service : la formation. Une formation digitale mal conçue, ou plutôt, conçue sans y intégrer les principes d’accessibilité numérique, peut exclure de nombreuses personnes (des personnes malentendantes, malvoyantes, daltoniennes, ou encore quelqu’un qui a un bras dans le plâtre suite à un accident… Les situations sont nombreuses !).
Et pourtant, ensuite, je suis moi-même concernée par le handicap dit invisible, qui me restreint l’accès à certains lieux ou certaines activités. J’ai mis longtemps à me rendre compte que l’un de mes propres symptômes, le syndrome de fatigue chronique (par ailleurs commun à de nombreuses pathologies et donc à de nombreuses personnes), demandait à pris en compte dans la conception de formations. En effet, on peut par exemple plus facilement décrocher face à un contenu trop long (texte, audio, vidéo…). Il est donc plus adapté de proposer de courtes capsules d’apprentissage, quitte à ce qu’elles soient nombreuses. De cette manière, on facilitera l’accès à cette formation à toute personne qui souffre de fatigue chronique, mais aussi aux parents épuisés par le rythme avec un nouveau-né, à toute personne souffrant de troubles du sommeil… Bref, finalement on rend service à tout le monde puisque la formation est plus facilement accessible et lisible. C’est ce que prône la conception universelle de l’apprentissage : on conçoit pour le plus grand nombre, au lieu de s’adapter aux besoins de chacun·e au cas par cas. On apprend d’ailleurs grâce aux neurosciences que la diversité des cerveaux humains, et donc de nos apprenant·es, est une norme plutôt qu’une exception !
Tu l’as compris, je suis aujourd’hui à la fois sensibilisée et convaincue de la nécessité de l’accessibilité numérique, et de la conception universelle de l’apprentissage. Mais cela a été un chemin. D’abord des réflexions personnelles, puis très vite des interrogations et des prises de conscience au contact de mes pairs. Que ce soit à la lecture d’articles, de posts Linkedin ou lors d’échanges au sein de la communauté Ed For Good, j’ai pu commencer à interroger et modifier mes pratiques. Et je continue à le faire aujourd’hui !
Actuellement, je m’auto-forme sur l’accessibilité en digital learning à travers diverses ressources (MOOCs, webinaires, ateliers…), mais aussi toujours via les échanges avec mes pairs au sein de diverses communautés pédagogiques. Et je pense que c’est ce qui est le plus formateur et ce qui nous amène vers davantage de transformation de nos pratiques. Et oui, je n’ai perdu ni les valeurs ni les pratiques de l’éducation populaire !
J’ajouterais pour terminer que les questions d’impact environnemental et d’éco-conception du numérique me travaillent aussi beaucoup et me font questionner mes pratiques. Et ces réflexions sont encore une fois issues des ressources partagées au sein de communautés comme Ed For Good, et du travail de collègues pédagogues qui sensibilisent et produisent des outils pédagogiques sur ces thématiques.
J’arrive ici au bout de mon témoignage. J’espère qu’il a pu t’inspirer et te donner envie de faire évoluer à ta manière ta posture de pédagogue vers plus d’engagement et de responsabilité !