Témoignage "Mon engagement du terrain à la politique" par Emma Bertoin

Bonjour, je m’appelle Emma Bertoin, j’ai 27 ans et j’ai créé un mouvement citoyen pour l’École qui s’appelle L’École Change Demain.
Comment a commencé mon engagement ? J’aime bien raconter une anecdote aux enfants. Quand j’avais 8 ans, j’étais fan de Jacques Chirac. Un jour, j’ai eu un problème de santé et j’étais à l’hôpital. Et le seul truc que je voulais, c’était écrire une lettre à Jacques Chirac, qui lui-même avait été opéré le même jour.
Et donc j’ai écrit cette lettre.
Quand ma mère m’a demandé pourquoi je voulais faire ça, j’ai répondu : « Parce que je trouve que le président de la République, il est trop vieux, et il devrait plus écouter les enfants pour avoir des idées sur l’École. »
Je crois que cette idée m’est restée un peu plus tard.

Je me suis engagée… En parallèle de mes études, j’ai toujours été très animée par le sujet de l’École, de la pédagogie. J’ai commencé à me demander pourquoi on disait que l’Éducation nationale était un mammouth, pourquoi on disait que les professeur·e·s étaient en grève, pourquoi les initiatives sur le terrain étaient si nombreuses, et pourtant pourquoi les résultats de toutes les enquêtes internationales étaient si mauvais. Je me suis donc donné un an pour comprendre, un an pour répondre.
J’ai fait des centaines d’heures d’interviews avec des professeur·e·s, des parents, des enfants, des chercheur·se·s. Et j’ai entendu que les gens disaient toujours la même chose, quel que soit leur niveau d’expertise, quelle que soit leur origine géographique. Ces trois choses revenaient sans cesse :
- L’École ne marche pas parce qu’on n’a pas de vision partagée : on ne sait pas où on va, on n’a pas de cap.
- L’École ne fonctionne pas parce qu’il n’y a pas d’espace pour réunir les décideur·se·s et le terrain : les réformes se prennent loin de nous.
- Il existe plein d’initiatives sur le terrain, mais on ne les connaît pas.

À ce moment-là, j’ai eu la chance de venir ici, à un programme assez exceptionnel qui s’appelle l’Académie des Futurs Leaders. C’est un programme où on est une dizaine de personnes engagées sur différents sujets. On rencontre des responsables politiques à différentes échelles — du ou de la maire·sse local·e jusqu’à l’ancien·ne président·e de la République — et on peut leur poser toutes les questions qu’on ne peut pas leur poser habituellement.
J’en ai donc profité pour leur demander : Pourquoi ? Pourquoi les citoyen·ne·s disent ça ? Pourquoi disent-iels qu’il manque une vision, qu’on n’arrive pas à se mettre autour de la table ?
Et iels me répondaient : « Oui, c’est vrai. Il va falloir que le terrain se forme à être un relais d’opinion pour le politique, et que le politique apprenne à écouter le terrain. »
Et je me suis dit que, sur le sujet de l’École, il manquait peut-être… justement ce relais d’opinion : une organisation qui mette en commun la voix des enseignant·e·s, des parents, des enfants, des élèves, qui l’amplifie, la structure et la partage avec les responsables politiques.

Ça, je crois que ça a été un déclic. Je suis allée m’inspirer, rencontrer énormément de personnes qui avaient mis en place des mouvements citoyens. J’ai vraiment calqué les bonnes pratiques, essayé de reproduire ce qui avait fonctionné pour elles.
Je me suis aussi demandé comment créer quelque chose qui aide ceux qui font déjà. Je m’étais promis de ne pas créer une association qui entrerait en concurrence avec d’autres associations. Cette question de l’alliance n’est pas évidente, mais comment peut-on cultiver le fait de faire ensemble, et pas les un·e·s contre les autres ?
Pour les déclics d’engagement, je crois que le mien, ça a été que dès que j’ai commencé à formuler dans ma tête ces trois problèmes, ces défis à résoudre, j’ai tout de suite lancé un appel à contribution : « Voilà, j’ai constaté ça, j’aimerais qu’on travaille sur un mouvement citoyen pour l’École. »
Honnêtement, quand j’ai fait l’appel, j’avais à peu près… juste le nom.
J’ai lancé une bouteille à la mer sur LinkedIn, et j’ai reçu des dizaines de réponses, ainsi que des messages d’encouragement. Une fois que c’était dit, affiché, il fallait bien faire quelque chose.
À ce moment-là, on a commencé à co-construire avec un groupe d’ambassadeur·rice·s ce qu’allait devenir L’École Change Demain.
Je dirais que l’un de mes déclics d’engagement a été la force du collectif : je n’ai pas attendu d’avoir un projet fini pour en parler aux autres. J’ai commencé à voir qui était intéressé·e pour le construire ensemble.
Le projet tel qu’il existe aujourd’hui est le fruit d’ajustements permanents, apportés par des dizaines, voire des centaines de personnes.
Je crois que c’est ça, mon déclic d’engagement.